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Souvenirs du Lieutenant-Colonel Pigouche Commandant l'artillerie du 22e corps à l'Armée du Nord. Bataille de Saint-Quentin 19 janvier 1871

18 Février 2018 , Rédigé par Trocmé

Effort suprême de Faidherbe pour dégager Paris. Bataille de Saint-Quentin, 19 janvier 1871. L'Armistice et la paix.

Après le succès de Bapaume, le général Faidherbe reçut l'ordre de notre regretté Gambetta, ministre de la guerre, de refouler l'ennemi vers Paris, et d'attirer sur son armée le plus grand nombre possible de Prussiens qui1 enserraient la capitale. C'est alors surtout que se révèle le génie stratégique de notre illustre chef : nos troupes combattent chaque jour avec avantage et chassent l'ennemi vers. Paris. Le 17 janvier, j'ai l'honneur de déjeûner à la gauche du général Faidherbe, dans un cabaret de village situé près de Vermand (Aisne), et de voir combien notre grand chef était aimé de nos populations. C'était midi, l'heure à laquelle les habitants du Nord dinent. Je vois de braves gens apporter au cabaret des rôtis de veau, des gigots de mouton et les offrir à notre général en criant : « Vive Faidherbe ! », « Vive l'Armée du Nord ! ». Cette scène m'a profondément ému. Elle prouvait clairement que tout le monde, civil et militaire, avait pour Faidherbe la plus grande admiration et la plus chaude reconnaissance. Durant le repas, nous causons de nos connaissances communes de Lille, de notre bon et vieux lycée de Douai, de M. Testelin, etc., etc.. Le général avant de quitter la table, choque son verre de bière contre le mien et me dit à voix basse dans le tuyau de l'oreille : « Mon cher commandant, il faut terminer la lutte de la façon la plus honorable ; une partie de la garde prussienne et de gros corps d'armée marchent contre nous... Je vous souhaite bon courage et bonne chance ! ! ». Ces quelques mots m'ont fait comprendre la réalité de notre situation, mais ne m'ont nullement découragé, car je l'avoue franchement, au risque d'être traité de naïf et de chauvin, j'avais pleine confiance en l'avenir. Le 18, l'état-major du général Lecointe, déjeûnait dans un cabaret d'Essigny-le-Grand, lorsque nous entendons le canon. Le général se lève et nous dit : « Marchons à la voix du canon ». Nous mettons un morceau de pain dans notre poche, nous payons le cabaretier et nous montons à cheval. Nous rencontrons partout de la cavalerie prussienne, nous lui infligeons une sérieuse poursuite, et nous cantonnons le soir à Essigny-le-Grand. Le 19 janvier, à 4 heures du matin, nous rétrogradons vers Saint- Quentin. Nous arrivons au jour à Gauchy et nous nous installons 'Chezie meunier de l'endroit. Je venais de faire mettre au four un gigot de mouton, lorsque j'entends le canon. Le général Lecointe me donne l'ordre d'aller reconnaître l'emplacement de mes batteries et tout l'état-major quitte la maison du meunier. Les batteries s'établissent sur la crête du moulin à tout vent, la droite de la lre batterie bis à 300 mètres environ du moulin. Cette batterie, bien abritée derrière des silos de betteraves, ouvre le feu vers 9 heures. Je vais serrer la main de M. Théry, lieutenant auxiliaire, professeur de mathématiques au lycée de Douai, et lui rappelle que l'ordre donné à toutes les batteries est de tirer lentement et de ne quitter le terrain de la lutte qu'après l'épuisement complet des munitions. Toute l'Armée du Nord, y compris la colonne volante du colonel Isnard, prend part à ce combat acharné. Toutes les batteries épuisent leurs munitions : la 2e principale, ayant pu se ravitailler tire environ 1.300 coups de canon durant la journée. Toute l'artillerie de l'Armée du Nord a tonné de 9 heures à 4 heures du soir. Elle se composait de sept batteries de 4 de campagne, d'une batterie de 8, de trois batteries de 12, de quatre batteries de 4 de montagne ; de huit canons de 4 de montagne et de deux canons de 4 de campagne appartenant à la colonne volante du colonel Isnard. Il y avait donc en tout cent bouches à feu à la bataille de Saint-Quentin. Vers 4 heures du soir, les Prussiens, recevant toujours des troupes fraîches, nous forcent à battre en retraite vers Cambrai et Douai. La bataille était perdue, sauf l'honneur comme le désirait si vivement le général Faidherbe. Dans ce combat sanglant de 7 heures, toutes les troupes ont donné avec un entrain remarquable. Les sapeurs du génie, dirigés par le capitaine Sambac, quittent leurs travaux d'épaulement et de barricade, épuisent leurs dernières cartouches et suivent le mouvement de retraite. J'arrive le 20, à 5 heures du matin, à Cambrai, avec le capitaine flavaut. Nous ne savions où loger lorsque nous sommes recueillis par M. Bureau, capitaine de la garde nationale, qui nous offre l'hospitalité la plus cordiale dans ses grands magasins de rouenneries. J'avais connu intimement le frère de M. Bureau, capitaine de chasseurs à pied, à Strasbourg et à Grenoble. Nous nous sommes de suite liés ne nous doutant guère que le commandant Bureau avait été tué devant le siège de Strasbourg (1). Je n'oublie pas non plus M. Leroy, ex-notaire et parent de M. de Casabianca, qui a mis sa maison à la disposition du général Lecointe, pendant huit jours, et cet excellent M. Tabary, aujourd'hui (1894) président du tribunal de Dunkerque, qui m'a reçu le cœur sur la main. L'armistice est déclaré pour permettre aux Prussiens et aux Français d'enterrer leurs morts. Le baron de Cantillon, de l'état-major du 22e corps d'armée, est envoyé en parlementaire, par le général Lecointe, près du général Von Gœben, commandant l'armée prussienne à Amiens. Après quelques jours de repos, nous quittons Cambrai et nous nous rendons à Douai où nous sommes reçus à bras ouverts par M. l'avocat général Preux, mon cousin germain, qui met sa maison et sa cave complètement à la disposition de l'état-major du 22e corps d'armée.Tous les avocats et les magistrats de cette bonne ville de Douai faisaient l'exercice matin et soir. Nos revers les avaient transformés en soldats et ne les avaient nullement découragés. Le baron de Rappe, capitaine suédois, professait un véritable culte pour M. Preux, aussi a-t-il été vivement impressionné lorsque je lui ai appris la mort subite de cet excellent parent (1). Le 22e corps est envoyé dans le Gotentin. Mes batteries passent sous le commandement du lieutenant-colonel Charon et s'embarquent à Dunkerque par les soins de M. Périgot, capitaine de vaisseau. Je conduis de Lille à Dunkerque un parc composé de 168 voitures Gribeauval. Je fais étape à Bailleul, à Gassel et nous campons sur l'esplanade de Dunkerque. Mes batteries étaient à peine embarquées que la paix était signée. Je ramène mes 168 voitures à Douai, je vais présenter mes hommages au général Faidherbe et au général Treuille, et je me rends près de ma petite famille à Vernet-les-Bains, où j'apprends la résurrection des canonniers Halbaut et Souleyret que j'avais portés morts sur mes contrôles, après la bataille de Villers- Bretonneux. Conclusion. — La capitale eût été débloquée en faisant une sortie heureuse, si les armées de province avaient pu attirer sur elles autant de corps prussiens que l'Armée du Nord en a attirés à la bataille de Saint-Quentin, le 19 janvier 1871.

Le général Faidherbe faisait marcher ses troupes par petits paquets, assez éloignés l'un de l'autre pour faire croire aux Prussiens que l'Armée du Nord était nombreuse, mais assez rapprochés pour que ces petits paquets de troupe puissent se porter un mutuel appui. Il choisissait un terrain sur lequel il voulait combattre, y attirait les Prussiens et livrait bataille. C'est ainsi qu'il nous a fait manœuvrer vers Pont-Noyelles, Bapaume et surtout vers Saint-Quentin.

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